Phobies : le cri du corps face à une mémoire oubliée

Phobies : le cri du corps
face à une mémoire oubliée

Et si nos peurs les plus irrationnelles avaient un sens ? Si elles étaient le langage d’un corps qui se souvient, bien après que la conscience ait oublié ?

La phobie, souvent jugée excessive ou absurde, n’est jamais gratuite. Elle est l’expression d’une mémoire émotionnelle et corporelle figée à un instant donné, parfois bien loin de la cause apparente.

Dans ma pratique, je croise régulièrement des personnes paralysées par des peurs qui n’ont, en apparence, aucun fondement logique. Pourtant, en travaillant avec le corps, les micro-mouvements, les images mentales, le vécu familial… ces phobies se dévoilent et, surtout, se dénouent.

À travers trois cas concrets, je vous propose d’entrer dans l’intimité de ce processus : quand une simple image ou un mot devient insupportable, et comment, par des techniques telles que la stimulation bilatérale alternée (dont s’inspire également l’EMDR), la logique des constellations familiales ou le sens biologique des maladies, il est possible d’en libérer la charge émotionnelle.

Phobies : une mémoire émotionnelle et corporelle figée

Une phobie se forme souvent à la suite d’un choc émotionnel non intégré. Celui-ci peut être visible (traumatisme identifié) ou totalement enfoui (héritage familial, événement mineur mais ressenti comme dangereux à l’époque). Le système nerveux, pour se protéger, fige une réponse de défense qui se réactive dès qu’un élément perçu comme similaire se représente.

Or, le corps n’oublie pas. Là où la tête banalise, raisonne ou nie, le corps réagit encore : tensions, crispations, palpitations, bouffées d’angoisse, besoin de fuite. C’est là que l’approche somatique prend tout son sens.

Avec la TAPO (stimulation bilatérale alternée), par exemple, nous aidons le cerveau à retraiter les informations bloquées. Le corps devient le guide, les images défilent, les émotions se libèrent. D’autres de mes outils, comme les constellations familiales adaptées en séance individuelle ou le décodage biologique, permettent aussi d’élargir la compréhension : ce que la peur dit de l’histoire d’une personne, ou même de celle de sa lignée.

Cas 1 : La phobie de l’eau profonde, entre requins fictifs et pieds crispés

Une jeune femme en séance

L. prévoit de partir en vacances à la mer avec ses copines, mais une peur l’empêche de profiter pleinement du projet : nager dans une zone où elle n’a pas pied lui est insupportable. Rien, en apparence, ne justifie cette angoisse… jusqu’à ce qu’elle évoque un souvenir marquant.

À 8 ans, sa sœur l’avait poussée à regarder le film Les dents de la mer. Depuis, une image revient encore et encore : celle du requin qui attaque. Dix ans plus tard, cette scène fictive est toujours active dans son cerveau. C’est là que nous commençons à travailler.

Pendant la séance, nous utilisons TAPO (Stimulation bilatérale alternée) pour désactiver cette image traumatique. Le corps réagit vivement : spasmes, sanglots, relâchements. Une tension profonde commence à se libérer. L’image du film s’efface, même lorsque L. tente de la revoir volontairement. Mais ses pieds restent tendus – un détail intéressant.

Je l’invite alors à visualiser une scène où elle nage en eau profonde. Là encore, la stimulation bilatérale permet aux tensions de remonter et de se dissoudre : les pieds se délient, une gêne thoracique apparaît puis se dissipe rapidement.

L. ressort de la séance profondément détendue

Et les vacances ? Un succès. Avec prudence au début, elle a finalement nagé sans crainte, même en pleine mer. Son corps, désormais libre, ne sonnait plus l’alerte inutilement.

Cas 2 : Émétophobie – ou la peur de perdre le contrôle

Un jeune homme en séance

Un jeune homme, la vingtaine, arrive pour une peur de voir du vomi (hémétophobie). Il est même en arrêt de ses activités professionnelles depuis deux semaines pour cette raison. Depuis qu’il a vu un ami vomir devant lui, il vit avec une sensation de haut-le-cœur quasi permanente. Le jour, car la nuit, il dort sans gêne. Preuve que le corps, en sécurité, se relâche.

Nous travaillons d’abord sur l’image de son ami. Elle s’efface rapidement sous TAPO. Mais une tension survient ailleurs : sa gorge se noue, sans raison apparente. Pour moi, cela indique qu’un contenu plus profond est touché. Nous poursuivons le travail.

Son imaginaire se met en route : vomir dans un magasin, vomir dans la voiture … le pire pour lui. Ces images “fabriquées” par le cerveau expriment une peur plus vaste : celle de perdre le contrôle en public. Elles sont toutes apaisées en séance.

Nous abordons aussi le mot lui-même – « vomi » – qu’il ne supporte pas, ainsi que le regard des autres. Là encore, quelques phrases clés, accompagnées de la stimulation, suffisent à libérer la charge émotionnelle.

Deux jours plus tard, tout est terminé. Il a repris ses activités comme si de rien n’était.

Cas 3 : Quand la phobie révèle une histoire plus profonde

Une femme souffre d’émétophobie depuis 11 ans.

Cette peur semble liée à une scène avec son compagnon de l’époque. Mais en explorant avec elle, le symptôme devient un fil rouge : trahisons, dégoût, honte. Tout cela était « à vomir », littéralement.

Le corps, à défaut de pouvoir exprimer cette souffrance, l’a encapsulée dans une peur… tolérée socialement.

Et puis, un détail émerge : sa mère a eu des nausées uniquement pendant la grossesse qui la concernait elle, et non ses frères et soeurs. Est-ce que cela a laissé une empreinte dans le système nerveux en construction ? Impossible à prouver, mais le symbole est fort. En tout cas, cela révèle une sensibilité au dégoût, au rejet, au non-dit, transmise ou intégrée très tôt.

Phobie, symptôme ou messager ?

La phobie, dans cette perspective, est un symptôme intelligent. Elle ne cherche pas à nuire, mais à protéger. Le problème, c’est que le danger n’est plus réel.

En somatopathie, comme en sens biologique des maladies, nous considérons la phobie comme le messager d’une mémoire émotionnelle en attente de résolution.

Parfois, cette mémoire est personnelle, parfois, elle est familiale. Une peur qui surgit “sans raison” peut très bien faire écho à une histoire transmise en silence, un événement douloureux enfoui dans la lignée.

Dans ces moments, les mots seuls ne suffisent pas. Le corps, lui, sait. Il tremble, il serre, il retient. Et il libère… si on l’écoute.

Conclusion

Les phobies sont bien plus que des peurs irrationnelles : elles sont souvent des cris du corps, des traces d’un événement mal digéré, d’une émotion figée ou d’une mémoire transgénérationnelle en souffrance.

En reconnectant corps, émotion et histoire, il devient possible de désactiver ces peurs.
Et ainsi, de redonner à chacun la liberté de se mouvoir, de respirer, de vivre, là où la peur avait figé la vie

Florent Pasquet, Somatopathe